Hector Guimard incarne une figure emblématique du patrimoine architectural parisien. Connu pour ses célèbres édicules d'entrée et de sortie du métro, présents dans tous les arrondissements, il a marqué la capitale de son empreinte Art nouveau. Parmi ses 86 structures, classées monuments historiques depuis 1978, se dégage un ensemble urbain d’une créativité exceptionnelle. Cependant, c’est dans le 16e arrondissement que son génie s'exprime pleinement, à travers des immeubles et hôtels particuliers remarquables. Ces réalisations uniques font du 16e un haut lieu de l’Art nouveau et une adresse prisée pour l’immobilier parisien.
Hôtel Roszé – 1891 (34 rue Boileau)
Les débuts d’Hector Guimard
L’hôtel a été réalisé par Hector Guimard en 1891 pour Charles-Camille Roszé, représentant de commerce d'une fabrique de gants en peau. Guimard répond ici aux souhaits du commanditaire, dessinant une villa sans extravagance dont les plans sont aujourd'hui conservés au musée d’Orsay.
L’hôtel est d'une certaine sobriété par rapport au futur « style Guimard ». Il en présente néanmoins les prémices. L'influence de Viollet-le-Duc, dont il tire les enseignements par l’un de ses disciples, Charles Genuys, se retrouve dans l’agencement et la disposition de l'hôtel Roszé. Le rejet de la symétrie et la variété des matériaux employés (briques, pierres, céramiques) trouvent déjà leur place sur la façade, animée par ces jeux de volumes, de couleurs et de décrochements. Guimard dessinera aussi le jardin, les vitraux, les tentures et même les modèles des céramiques de la façade, exécutées par la compagnie Muller & Cie dirigée par Émile Muller à la Grande Tuilerie d'Ivry à laquelle l'architecte fera appel dès les années 1890, et qui éditera ses modèles jusqu'en 1904.
Aujourd'hui, à la belle saison, glycines en fleur laissent à peine deviner les ornements qui animent les façades.
Villa Jassedé – 1893 (41 rue Chardon-Lagache)
Les premiers pas de l'architecture de Guimard, entre Viollet-le-Duc et l'Art nouveau
Le bâtiment s'inspire du vocabulaire architectural médiéval et des principes d’Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), tout en annonçant les recherches d'Hector Guimard pour un style architectural novateur. Ce dernier a présenté à plusieurs reprises le projet et les dessins de cette maison : aux Salons de Paris en 1894 et 1899, ainsi qu'à Liège en 1895.
L'édifice conjugue l'influence de Viollet-le-Duc avec des motifs Art nouveau, déjà perceptibles dans la villa : dissymétrie des façades, et valorisation des espaces intérieurs, visibles depuis l’extérieur. Guimard y a également conçu quelques pièces de mobilier, anticipant la notion d’« art total » : concevoir un bâtiment dans son ensemble, y compris son aménagement intérieur.
Situé sur une parcelle triangulaire, l’hôtel et son annexe sont construits avec les matériaux emblématiques de Guimard : meulière, briques colorées et panneaux de faïence. Les salles de réception s’ouvrent sur un petit jardin, tandis que l'annexe servait à l'origine de remise, d’écurie et de poulailler. La clôture, en blocailles de meulière, repose sur un soubassement en pierre et est surmontée d'une grille. Le porche est orné de tuiles provenant de la manufacture d’Émile Müller.
Le projet fut réalisé par l’entrepreneur Altmeyer, qui collaborera à nouveau avec Guimard cinq ans plus tard pour le Castel Béranger (1895-1898). Transformé en maison de santé après le décès de son propriétaire, l’hôtel a été restauré en 1978, puis inscrit au titre des Monuments historiques en 1980.
Atelier de Jean-Baptiste CARPEAUX – 1893-1902 (39 boulevard Exelmans)
Un bâtiment en perpétuelle transformation
Le bâtiment que l'on peut observer aujourd’hui, bien qu’ayant subi quelques transformations, correspond à l’édifice conçu par Hector Guimard entre 1893 et 1895. Sa façade en pierre claire, au style épuré, est mise en valeur au deuxième étage par une large fenêtre encadrée de briques et surmontée d’un linteau métallique. Juste en dessous, deux niches abritent des sculptures en terre cuite, répliques des œuvres du sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux. À droite, on retrouve le Jeune pêcheur à la coquille (1858), envoyé de Rome, et à gauche, Flore accroupie (1869).
L’histoire de ce bâtiment demeure complexe. Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), sculpteur et peintre, résidait avec son épouse dans un premier bâtiment, modifié en 1888 par l’architecte Lewicki, avant sa démolition en 1898. La construction d’un nouvel atelier fut confiée à Hector Guimard. Il est avéré que la veuve de Carpeaux vivait dans l’édifice de Guimard en 1902. Il est intéressant de noter que Guimard apposa la date de 1895 sur la construction, celle des plans, plutôt que celle de l’achèvement des travaux. Plusieurs décennies après, à la demande du fils du sculpteur, Clément Carpeaux, des modifications furent apportées à la grille d’entrée et aux fenêtres.
Ce bâtiment, qui porte le nom de Jean-Baptiste Carpeaux, a été érigé non loin de son atelier. Il est raisonnable de supposer que sa vocation première était d’abriter un musée en hommage au sculpteur.
Ecole du Sacré-Cœur – 1895 (11 avenue de la Frillière)
Un espace d’expérimentation pour Guimard et l’architecture éducative.
L'école du Sacré-Cœur a été fondée dans le but d'offrir à la jeunesse une formation académique et un espace récréatif. Elle avait son siège au presbytère de l'église Notre-Dame d'Auteuil. Les plans de l'architecte Hector Guimard, datés de janvier et février 1895, ont été suivis d'un permis de construire en mars de la même année. Les travaux de construction ont été achevés dans le courant de l'année 1895.
Le bâtiment principal, qui servait de salle de classe pour les séminaristes, est composé d'une structure métallique avec des murs en briques. Ce qui rend cet édifice remarquable, ce sont ses colonnes en fonte inclinées, qui soutiennent le préau sans obstruer l'espace intérieur. Ces célèbres colonnes en forme de V trouvent leur inspiration dans les Entretiens sur l’architecture (1862-1872) d'Eugène Viollet-le-Duc.
Cependant, l'histoire de l'école est complexe, et il demeure incertain si le bâtiment destiné à loger les enseignants et le directeur, tel qu'envisagé par Guimard, a été effectivement construit.
En 1905, l'établissement devient l'Externat du Sacré-Cœur, une école paroissiale de garçons gérée par des laïcs. Au fil du temps, le bâtiment subit d'importantes modifications, notamment à la suite d'un incendie et de bombardements. En 1972, il est vendu par l'église. Menacé de destruction, il bénéficie d'une vaste campagne de presse qui permet de préserver une partie de sa structure. En 1976, le bâtiment principal, ainsi que son impressionnant escalier, sont inscrits aux Monuments historiques. Cependant, la maison du concierge et la grille du portail ont été démolies cette même année.
Hôtel Delfau – 1894-1896 (1 Ter rue Molitor)
De l’hôtel particulier à « l’Hygiène Home »
L'édifice fut conçu par Hector Guimard en 1894 pour l'agent commercial Louis-Marie-Albert Delfau (1852-1923), et sa construction achevée en août 1896. Par la suite, il subit d'importantes transformations.
La façade de l'hôtel Delfau, d'une sobriété apparente, est réalisée en brique ocre, avec un seul fronton en pierre en saillie. Des lignes de briques rouges et des céramiques bleues décorent la façade, matériaux typiques qu'affectionnait Guimard pour ses réalisations domestiques avant la Première Guerre mondiale. Cette simplicité dans la composition et le décor peut être perçue comme une réponse aux critiques du Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1894, où Guimard avait exposé des projets jugés trop complexes et chargés, s'opposant ainsi aux canons de l'école des beaux-arts.
Le motif du coq entouré de fleurs, œuvre de Thimoléon Guérin, collaborateur régulier de Guimard, fut réalisé par la manufacture d’Émile Müller, et figurait encore dans son catalogue en 1904.
En 1907, les époux Delfau commandèrent à l'architecte François Orliac la construction d'une aile supplémentaire pour leur habitation. Après la vente de l'hôtel, sa façade arrière fut rehaussée et l'agencement intérieur réaménagé. En 1912, la section bâtie par Orliac fut cédée à un nouveau propriétaire. Vers 1920, le bâtiment accueillit l'Hygiène Home, une maison spécialisée dans les régimes, fondée par le docteur d'Albiousse, célèbre pour sa devise : « ni aliénés, ni contagieux », comme l'indiquait une carte postale publicitaire de l'époque.
Castel Béranger – 1895-1898 (14 rue Jean de la Fontaine)
Le monument emblématique de l'Art nouveau signé Guimard
Le Castel Béranger fut conçu pour Anne-Élisabeth Fournier, une figure de la bourgeoisie d'Auteuil. La construction débuta en 1895, mais c'est entre octobre 1895 et janvier 1896 que l'architecte Hector Guimard modifia les plans initiaux. Il travailla en collaboration avec l'entrepreneur Altmeyer, le menuisier Le Cœur et le charpentier Muquet.
Destiné à une clientèle modeste, l’immeuble était polyvalent, combinant appartements, bureaux pour l’architecte et ateliers d’artistes, dont celui du peintre Paul Signac (1863-1935). L'édifice ne comportait pas d'ascenseur, mais il offrait des équipements novateurs pour l’époque, tels qu’une remise à vélos et une cabine téléphonique, conçue également par Guimard.
Le bâtiment se compose de trois corps principaux disposés en « U », autour d’une cour intérieure. Les deux ailes parallèles convergent vers un petit corps central, où se situe la cage d’escalier. Le bâtiment donnant sur la rue est en pierre de taille, tandis que les autres parties sont réalisées en meulière, moins coûteuse. Une série de décors en fonte verte, notamment sur les balcons, créent une harmonie visuelle remarquable. Les hippocampes sculptés y remplacent les ancres de chaînage traditionnelles. Le vestibule est un chef-d'œuvre de l’Art nouveau, avec ses panneaux de grès flammé aux teintes changeantes, sa mosaïque dynamique et son plafond tressé fait de barres métalliques et de plaques découpées.
Bien qu’il ait été parfois critiqué, le Castel Béranger incarne une innovation totale dans le Paris pré-1900, défiant les contraintes des règlements urbanistiques stricts. Le style de Guimard s’inspire de l’Art nouveau, que l’architecte belge Victor Horta (1851-1947) avait popularisé en Belgique, mais qui restait largement inconnu en France à l’époque.
L’édifice reçut une reconnaissance immédiate, en remportant le premier concours des façades de la Ville de Paris, ce qui consacra le talent de Guimard. Il fut classé monument historique en 1992, une distinction qui témoigne de son importance dans le patrimoine architectural parisien.
Les immeubles Jassedé – 1903-1905 (1 rue Lancret – 142 avenue de Versailles)
À la croisée de l'élégance et de la simplicité, le style de transition de Guimard se distingue par sa subtilité
Les deux immeubles ont été réalisés entre 1903 et 1905 pour Louis Jassedé. L'architecte, déjà auteur de la villa Jassedé en 1893, marque ici une nouvelle phase de l'Art nouveau avec un projet qui témoigne de son évolution stylistique.
Les différences entre les deux bâtiments sont particulièrement visibles sur leurs façades. L’immeuble situé avenue de Versailles se distingue par son élégant appareillage de pierre et ses balcons en fonte imposants, contrastant avec la sobriété de celui de la rue Lancret, plus sobre et dominé par l’usage de la brique. Les façades sont animées par des éléments décoratifs fins, comme les linteaux et les ferronneries des garde-corps et balcons, qui semblent avoir été fabriqués selon les dessins de Guimard par les fonderies de Saint-Dizier.
À travers ce projet, Guimard s’adapte aux exigences de l'immeuble de rapport, et propose une approche plus discrète et raffinée, en phase avec les tendances de l'époque, tout en s'éloignant de ses précédentes créations.
Les bâtiments ont conservé leur aspect d'origine, à l'exception de la transformation de la boutique, autrefois dédiée à la lingerie, et de l’ajout d’un ascenseur. L'immeuble est classé Monument historique depuis 1984.
Hôtel Deron-Levent – 1905-1907 (8 Villa de la Réunion)
Le style Guimard, dans une version plus mesurée
L'hôtel a été conçu par Hector Guimard pour Charles Deron-Levent, un négociant en textiles qui acquiert le terrain en 1892. La demande de permis de construire a été déposée le 4 février 1905. Les plans de l'architecte, arborant fièrement la mention « Style Guimard », dépeignent un véritable castel, avec des proportions et un agencement similaire à ceux de ses œuvres précédentes. Cependant, la construction ne sera achevée qu’en 1907, comme l'indique la date inscrite sur la façade. Le style final, bien que toujours soigné, s’avère plus sobre, « presque affadi par rapport au projet initial ». Ainsi, ce projet a radicalement évolué au cours de sa réalisation, sans que l’on en connaisse les raisons exactes.
La façade, en pierre de taille, est divisée en deux sections. La première comporte une lucarne à deux pans et un auvent, tandis que la seconde présente une forme bombée, rappelant un bow-window, surmontée d’une accolade qui en accentue la verticalité. Le décor, discret, se compose de quelques éléments sculptés soutenant les balcons, et l’élégance de la ferronnerie contraste avec la sobriété de la façade monochrome.
Dans sa simplicité, cet hôtel marque une nouvelle phase dans l’œuvre de Guimard, inaugurant une étape plus mesurée de son Art nouveau, qui se prolongera jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. Mis en vente en 1992, une annonce détaillait ainsi son aménagement : un salon, une salle à manger, un bureau, un office et une cuisine au rez-de-chaussée, et trois chambres avec salle de bain à chaque étage supérieur.
Hôtel Guimard – 1909 (122 avenue Mozart)
Guimard et la montée en puissance de l'Art nouveau
Construit en 1909, l’hôtel Guimard est une œuvre de l'architecte éponyme, conçu pour abriter son agence, l'atelier de son épouse Adeline Oppenheim et leur logement privé.
La structure de l’immeuble reflète les principes architecturaux de Guimard de l’époque : une combinaison de pierre et de brique pour la construction. La façade ondulée est agrémentée de bow-windows légèrement en saillie et d’une loggia, tandis que les lignes courbes des ferronneries des balcons et les fenêtres ovales témoignent du style Art nouveau que l’architecte a largement contribué à populariser à Paris. La sobriété de la décoration et la monochromie de la façade illustrent son approche minimaliste de l’architecture résidentielle au début du XXe siècle. Les formes verticales, l’étroitesse des ouvertures et les crêtes du toit, des cheminées et des fenêtres de combles rappellent des influences gothiques.
La parcelle étroite a contraint Guimard à éliminer les murs porteurs à l’intérieur, chaque étage étant traité comme un espace autonome. Bien que l’agence de l'architecte ait été installée dès 1910, le couple Guimard n'emménagera dans l’immeuble qu’en 1913.
Le mobilier conçu sur mesure par Guimard pour cet hôtel a été dispersé par Adeline Oppenheim dans plusieurs institutions, telles que le Petit Palais à Paris, le musée des Beaux-Arts de Lyon, l’École de Nancy et le Museum of Modern Art de New York. L’immeuble a été classé monument historique en 1997.
Immeuble Trémois – 1910 (11 rue François Millet)
L'élégance intemporelle de l'architecture signée Hector Guimard
Cet immeuble, conçu par Hector Guimard pour Florimond-Ernest Trémois, fils d’un ancien élu du 16e arrondissement, illustre parfaitement l’architecture raffinée de l’époque. L’utilisation de la pierre de taille pour sa structure, un choix notable pour l’époque, visait à séduire une clientèle aisée et à garantir une impression de solidité et de prestige.
Guimard, maître de l’agencement des volumes, a imaginé un bâtiment où chaque étage abrite un unique appartement. Les espaces de réception s’ouvrent sur la rue, tandis que les chambres se tournent vers une cour intérieure, garantissant confort et intimité. La façade, remarquable par sa travée centrale en courbe, est ornée de bow-windows, de fenêtres aux contours ondulés et de balcons aux ferronneries d’une grande finesse. La porte d’entrée, richement décorée, et les légères avancées de la structure reflètent l’empreinte de l’Art nouveau, un style emblématique de Guimard avant la Première Guerre mondiale.
Présenté en 1911 au Salon des artistes décorateurs, ce projet témoigne également de l’innovation technique et artistique de son créateur. L’immeuble se distingue par l’utilisation des fontes dites "Guimard", des pièces uniques dessinées par l’architecte et réalisées par les fonderies de Saint-Dizier, véritables gardiennes de ce savoir-faire.
La rue Agar – 1910-1911 (rue Agar)
Hector Guimard et la promotion immobilière : une alliance visionnaire
En 1909, Hector Guimard s’engage dans une ambitieuse entreprise de promotion immobilière qui marquera l’histoire de l’urbanisme parisien, bien qu’elle ne soit jamais pleinement réalisée. Ce projet novateur visait à transformer la rue Agar en un véritable manifeste architectural, entièrement composé d’édifices de style Art nouveau.
L’initiative est portée par la Société immobilière de la rue Moderne, dont Guimard et son beau-père, Édouard Oppenheim, sont actionnaires. Sur les onze immeubles initialement prévus, seulement six verront le jour, en raison de difficultés financières, de contraintes politiques et de tensions familiales. Guimard ambitionnait de créer un ensemble harmonieux, conférant une identité propre à chaque bâtiment tout en maintenant une cohérence stylistique d’ensemble, notamment grâce à un travail méticuleux sur les détails architecturaux.
Les façades se distinguent par leurs bow-windows aux courbes élégantes, agrémentés de motifs végétaux subtils. Certaines portes, comme celle du n°10, arborent des arcs en accolade inspirés du gothique flamboyant. Ce projet illustre pleinement le vocabulaire stylistique de Guimard, tout en adoptant une sobriété relative par rapport à ses œuvres les plus exubérantes.
Les plans et esquisses des immeubles furent exposés aux Salons des artistes décorateurs de 1912 et 1913, soulignant la volonté de Guimard de promouvoir son travail auprès d’un public éclairé. Une série de cartes postales immortalisa également ces constructions emblématiques. En 1975, les bâtiments furent inscrits aux Monuments historiques, témoignant de leur importance patrimoniale et artistique.
Hôtel Mezzara – 1911 (60 rue Jean de la Fontaine)
L'Écrin de l'Art Nouveau
Hector Guimard, maître de l'Art nouveau, a conçu cet hôtel particulier pour Paul Mezzara (1866-1918), un artiste décorateur et manufacturier spécialisé dans les dentelles et broderies. Héritier d'une lignée d'artistes et neveu par alliance du peintre Édouard Manet, Mezzara fut célébré, à sa mort, comme un fervent défenseur de l’art décoratif moderne.
L’édifice se distingue par une harmonie subtile entre pierre de taille et brique claire, témoignant d’un raffinement architectural exemplaire. La façade en retrait, sobre mais travaillée, est percée de fenêtres ornées de ferronneries aux courbes élégantes, emblématiques du style de Guimard. Toutefois, l’architecte intègre également des éléments médiévaux, tels que des arcs en accolade et des motifs inspirés du gothique flamboyant, visibles notamment au-dessus de la porte d’entrée.
Cette sobriété extérieure contraste avec la richesse de l’agencement intérieur. Les espaces s’organisent autour d’un vaste hall central, autrefois utilisé comme salle d’exposition par Mezzara. Ce hall, baigné de lumière grâce à une verrière teintée de bleus délicats, évoque la forme des navettes des dentellières, un clin d'œil au métier du commanditaire.
Guimard a conçu cet hôtel particulier selon le concept de l’art total, où chaque détail s’intègre dans une vision d’ensemble. Ainsi, il a dessiné l’ensemble du décor et du mobilier : corniches en staff, cheminées en fonte, portes ornées de vitraux, et bien sûr, le mobilier de la salle à manger, toujours conservé aujourd’hui.
Transformé en école privée dans les années 1930, l’hôtel fut acquis par l’État dans les années 1950. En 2016, ce joyau architectural a été classé monument historique, préservant ainsi l’œuvre unique de Guimard pour les générations futures.
Immeuble Houyvet – 1924-1927 (120 avenue Mozart – 2 Villa Flore)
L’apogée artistique de Guimard
L’immeuble Houyvet, conçu par Hector Guimard pour l’industriel Michel-Antoine-Paul Houyvet, témoigne d’une transition marquante dans l’œuvre de l’architecte. Les plans, datés de mars 1924, aboutissent à une construction finalisée en 1927. Ce bâtiment reflète la dernière période de Guimard, caractérisée par une sobriété nouvelle, où la simplicité des structures et des ornements tranche nettement avec ses créations flamboyantes de la décennie précédente.
La façade, rythmée par des arrêtes verticales en pierre et des jeux de matériaux contrastés, notamment la brique, s’adapte harmonieusement à la courbe élégante de la Villa Flore. En face de cet édifice se dresse l’hôtel Guimard, incarnation aboutie du style Art nouveau. Cette proximité géographique souligne de manière frappante l’évolution artistique de Guimard, qui délaisse ici les ornements caractéristiques de ses débuts au profit d’un langage architectural plus épuré.
Immeuble rue Greuze – 1927-1928 (36-38 rue Greuze)
La dernière création de l'illustre Hector Guimard, figure emblématique de l'Art nouveau, incarne l'apogée de son génie architectural
Les deux immeubles de la rue Greuze représentent les dernières créations de l’architecte Hector Guimard, aux côtés de La Guimardière (1930) et d’autres projets restés inachevés. Implantés dans un quartier principalement résidentiel, ces bâtiments se distinguent par leur destination : loin de viser la clientèle aisée habituelle de Guimard, ces constructions, marquées par l’étroitesse de leur terrain et une décoration plus sobre, s’adressaient plutôt à de jeunes bourgeois venus de province, cherchant un pied-à-terre pour leurs études à Paris.
Les façades des immeubles arborent un revêtement en briques monochromes, reposant sur un rez-de-chaussée en pierre, où subsistent des lignes évocatrices du style Art nouveau. Pour les niveaux supérieurs, Guimard innove en intégrant des matériaux modernes comme les tuyaux en ciment Eternit, conçus par Henri Sauvage en 1928.
Le n°36 se distingue par sa façade asymétrique : les bow-windows du côté droit dominent une composition où la cage d’escalier, bien qu’apparente, occupe le centre. Quant au n°38, situé à l’angle de la rue Décamp, il bénéficie d’une double façade, avec des bow-windows à l’angle et des balcons ornés de ferronneries. Bien que ces éléments décoratifs rappellent l’Art nouveau, Guimard opte ici pour une esthétique plus épurée, annonçant l’avènement du style Art déco, alors en plein essor en France.
Le métro et Guilard – 1900-1913 (Avenue Foch et rue Chardon-Lagache)
La construction du métropolitain de Paris, décidée lors de l'Exposition universelle de 1889, débute enfin à l’occasion de celle de 1900. Hector Guimard, figure emblématique de l’Art nouveau, se voit confier la conception des entrées des stations, avec une série de modèles d’édicules soumis à la Compagnie générale du métropolitain dès février 1900.
Si la majorité des pavillons et édicules créés par Guimard a été détruite entre 1922 et 1937, certains ont été déplacés, comme celui de la station Abbesses en 1974, ou reconstitués, à l’image de Sainte-Opportune à partir de celui de la Gare de Lyon en 2000. L’édicule de la station Porte Dauphine, quant à lui, demeure à son emplacement d’origine et a été inscrit aux Monuments historiques en 2016. Sur les 167 structures réalisées dans le style Guimard, seule la moitié subsistent aujourd’hui.
L’édicule de l’avenue Foch
Surnommée « Libellule » en raison de son design caractéristique, cette structure se distingue par la courbure arrondie de son mur arrière, ses trois points d’appui, l’éventail de ses verrières et sa toiture à double pente inversée. Ses côtés, ici hermétiquement clos, sont constitués de panneaux de lave encastrés dans des montants en fonte. La couverture, composée de dalles en verre imprimé insérées dans une armature, présente des découpes variées. La signature d'Hector Guimard y est encore visible. À l’origine, la station Porte Dauphine possédait un second pavillon de sortie, conçu sur le même modèle, mais celui-ci fut détruit en 1936.
L’édicule rue Chardon-Lagache
La station est située sur la ligne 10 du métro. L'accès est dessiné en 1900 par Guimard mais ce tronçon est inauguré en 1913, l’année où les modèles de Guimard seront abandonnés par la Compagnie.
Des immeubles témoins – 1902-1911 (77 rue Boileau et 14 avenue Perrichont)
La propagation des fontes Guimard à travers Paris
Les façades des deux bâtiments se distinguent par les décors en fonte des balcons, œuvres de Guimard et produites par les fonderies de Saint-Dizier. Ces derniers se caractérisent par des lignes fluides et des motifs floraux, dont la finesse du modelé accentue l'élégance.
Les premières fontes dessinées par Guimard ont vu le jour dès 1902, ornant des immeubles conçus par l'architecte lui-même, tels que l'hôtel Guimard et l'immeuble Trémois. Leur emploi par Deneu de Montbrun illustre l'intégration de ces modèles dans des constructions plus traditionnelles. Cependant, les fontes Guimard n'ont pas véritablement rencontré un grand engouement. Relativement rares à Paris, elles sont principalement présentes sur les bâtiments conçus par Guimard et ses proches collaborateurs.
Les différents modèles de fontes Guimard sont aujourd'hui conservés entre le Museum of Fine Arts de Houston (États-Unis) et le musée d'Orsay à Paris.
Immeubles Guimard – 1925-1926 (18 rue Henri Heine)
Un condensé des principes de Guimard
L’immeuble Guimard est d'un des derniers immeubles réalisés par l'architecte pour son propre compte, entre 1925 et 1926. Le bâtiment est considéré comme l'un des chefs-d’œuvre de la fin de sa carrière.
La forme globale de la façade et l'aménagement des espaces intérieurs ne sont pas sans évoquer l’immeuble Trémois (1910), notamment les bow-windows courbes au centre de la composition. L’usage de la pierre de taille associée à un remplissage de briques évoque les immeubles des décennies précédentes (rue Agar, 1911 ; immeubles Jassedé, 1905). L’escalier intérieur, avec son mur de briques de verre, est semblable à celui du Castel Béranger (1898).
Bien que l’on perçoive au-dessus de la porte d’entrée quelques ornements, les lignes droites commencent à envahir les espaces.
L’immeuble est primé au concours des façades de la Ville de Paris en 1926. En 1930, afin de mieux contrôler sa commercialisation, les époux Guimard s'installent dans l’appartement du troisième étage.