La censure visant le gouvernement Barnier a ravivé l’incertitude et l’inquiétude au sein du secteur immobilier.
Peu de temps après la chute du gouvernement Barnier, une lueur d’espoir apparaît : le CAC 40 continue son rebond, et la dette française reste stable face à l’appétit des investisseurs. Plus encore, le taux d’intérêt de référence pour la France, utilisé par les banques pour déterminer les taux de crédit, a enregistré une baisse notable jeudi dernier. Ainsi, la panique anticipée sur les marchés financiers n’a pas eu lieu, du moins pour le moment. Cependant, une question persiste : que se passera-t-il si les crises politiques se multiplient ? L’incertitude demeure.
« L’annonce de la dissolution en juin et les élections législatives qui avaient suivi, n’ont finalement pas eu d’impact sur les taux de crédit qui ont continué à baisser », fait remarquer Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vousfinancer.
Actuellement, les experts en courtage soulignent que la stratégie des banques en matière de crédit immobilier reste inchangée. « Nous suivons de près la situation politique mais nous sommes encore à fond dans le crédit immobilier pour augmenter notre part de marché », confie au Figaro un banquier. Ce dernier prévoit qu’ « d’ici à début janvier », une offre promotionnelle avec des taux préférentiels sera lancée, visant aussi bien les clients actuels que les futurs emprunteurs, pour tous types de projets (résidences principales, secondaires ou investissements locatifs), et pour différents profils de revenus.
« Entre vendredi et mardi, nous avons reçu des barèmes (taux de crédit avant négociation, NDLR) stables ou en baisse de 0,1 à 0,25 % », confirme Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux. En clair, aucune remontée des taux n’est prévue dans l’immédiat. Bien au contraire, les spécialistes du marché immobilier prévoient même une nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE (Banque centrale européenne) le 12 décembre. Cette décision pourrait offrir une plus grande flexibilité aux banques, et donc davantage d’opportunités pour les emprunteurs immobiliers.
Malgré ces nouvelles encourageantes, le moral des ménages reste fragile. « Ces six mois de "stop-and-go" sont insupportables et nous empêchent de nous projeter dans un achat immobilier », déplorent Marc et Émilie, qui envisagent l'achat d'un appartement de 70 m² en région parisienne. Les menaces d’une hausse des droits de mutation – avant que Michel Barnier ne fasse machine arrière – ainsi que le spectre d’une taxe d’habitation « déguisée » pour les résidences principales, combinées à l’augmentation des taxes foncières, continuent de peser lourdement. « Nous en avons assez de toutes ces taxes contre les propriétaires qui augmentent ! Il faut fuir ce marché immobilier. Emmanuel Macron l’a terrassé et la dette va faire le reste en fiscalité explosive », alerte Damien.
Dans un contexte inédit où l'accès au crédit a été restreint, les établissements bancaires montrent une activité accrue. « Des banques n’hésitent pas à nous appeler au téléphone pour nous demander des dossiers », raconte amusé un agent immobilier bordelais. Toutefois, les crises politiques successives de ces derniers mois impactent la demande sur le marché. « Depuis septembre, la demande était bien repartie grâce à la baisse des taux et à la nomination de Michel Barnier », se réjouit Maël Bernier.
Une hausse des prix prévue pour le second semestre 2025 ?
L'instabilité politique a lourdement impacté le secteur immobilier parisien. « Non seulement nous venons de perdre trois mois, mais cette motion de censure porte un coup d’arrêt à un secteur déjà en crise depuis deux ans et qui commençait à redémarrer », regrette Guillaume Martinaud, président du réseau Orpi. Brice Cardi, président du réseau immobilier L’Adresse, redoute que cette censure n'aggrave encore l'attentisme des acheteurs, qu’ils soient primo-accédants, secundo-accédants ou investisseurs. « Cette censure du gouvernement risque de générer encore de l’attentisme de la part des acheteurs, qu’ils soient primo, secundo accédants ou investisseurs, car ils ont besoin de visibilité et de confiance en l’avenir pour se projeter sur un achat immobilier », précise-t-il. Il déplore également la suppression de mesures cruciales, comme l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) pour les primo-accédants, qui représentaient plus de 50 % de la production de crédits à l’habitat pour l’acquisition d’une résidence principale, selon la Banque de France.
Ce climat d'attentisme persiste sur le marché immobilier parisien. D’un côté, « les acheteurs ont encore l’impression d’avoir perdu du pouvoir d’achat et attendent des baisses plus fortes des prix », explique Me Pierre Tarrade, président de la Chambre des notaires de Paris. Selon lui, bien que le marché ait montré quelques signes de reprise récemment, il demeure « malade ». De l'autre côté, les vendeurs, sauf urgence, ne perçoivent pas la nécessité de revoir leurs prix, jugeant que les conditions financières actuelles sont plus favorables aux acheteurs. Cette dynamique crée une impasse, où l’équilibre entre les attentes des acheteurs et des vendeurs reste fragile.
Le bras de fer entre les deux parties continue, et il demeure incertain que les acheteurs en sortent gagnants. « Si la baisse des taux se prolonge et si la France ne construit pas davantage de logements, il y a un risque que les prix repartent à la hausse », avertit Guillaume Martinaud. Pour la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), « il n’y aura pas de réel rebond des prix tant que les volumes de transactions ne repartiront pas ». Selon Loïc Cantin, président de la Fnaim, la motion de censure pourrait accentuer la baisse des prix, mais celle-ci devrait rester modérée (en dessous de -4/-5 %). Cette baisse devrait se prolonger encore plusieurs mois, au moins jusqu’au premier semestre 2025, avant un possible redressement des prix au second semestre 2025, selon cet expert du marché immobilier.